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Sunday, July 26, 2020

Un été au resto : la Mère Poulard règne sur le mont Saint-Michel - Le Parisien

apakabarharus.blogspot.com

La visite de l'abbaye attendra. Dans la ruelle pavée du mont Saint-Michel (Manche), où les maisons à colombage s'agglutinent sur le rocher pentu, des touristes se pressent, masqués, devant la baie vitrée rouge d'un restaurant encore fermé. On se bouscule pour assister au ballet des omelettiers qui se préparent déjà, tablier blanc et masque assorti, à lever le rideau sur La Mère Poulard, l'institution locale ouverte en 1888. A l'entrée du mont Saint-Michel, le restaurant est devenu une adresse incontournable où touristes et personnalités venus du monde entier se pressent pour savourer une omelette hors du commun.

Derrière la vitre, rien n'est caché au promeneur… et potentiel futur client : l'ancienne table de ferme où des œufs bios sont joliment disposés dans un panier en osier, l'imposante cheminée noire où le bois enflammé craque déjà, les carreaux de ciment colorés, le lustre et le buffet d'époque. Le décor est planté ! Les smartphones immortalisent un rituel plus que centenaire. Mais les photographies négligent la « musique de l'omelette », comme l'appellent les serveurs.

Cet incessant battement des fouets qui frappent le cuivre, ce mouvement cadencé des poignets qui soulève les œufs et, soudain, ce clapotis, presque onctueux, à l'image de l'omelette qui gonfle, résonne jusque dans la rue. Voilà le secret de fabrication de ce plat tout simple à la note pourtant bien salée (à partir de 32 euros) : l'huile de coude. Pour rejoindre l'équipe des omelettiers, il faut survivre - sans tendinite ! - pendant quinze jours. Et apprendre, deux mois durant, le chant mélodieux des œufs battus et la cuisson au feu de bois. Tous les secrets de cette copieuse omelette - à la texture mousseuse et légère, bien différente de celle que tout un chacun prépare à la maison - sont consignés dans les fiches recette d'Annette Poulard.

Le cliquetis cadencé du fouet sur le cuivre compose une « musique de l’omelette » qui s’entend jusque dans la rue./LP/Guillaume Georges
Le cliquetis cadencé du fouet sur le cuivre compose une « musique de l’omelette » qui s’entend jusque dans la rue./LP/Guillaume Georges  

Chignon tiré, silhouette gironde et tablier en coton blanc, cette fille de maraîchers débarquée en 1872 pour mitonner des petits plats à l'architecte Edouard Corroyer - chargé de restaurer l'abbaye - n'était pas censée poser définitivement ses casseroles ici. Mais les invités de son patron et les pèlerins affamés se délectent de ses recettes de terroir. Son omelette, qu'elle prépare en attendant - parfois très longtemps! - les clients, avec son cul-de-poule sous le bras et son fouet dans les mains, parfait la renommée de son établissement, situé à l'origine à la place de la Poste.

« La Mère Poulard, c'est la France »

« La réputation de La Mère Poulard s'est faite en même temps que l'intérêt des touristes pour le mont Saint-Michel », raconte Eric Bellon, le directeur général du groupe. En 1888, lorsqu'Annette et son mari rachètent l'hôtel du Lion d'Or - où est installé l'actuel restaurant - la côte normande attire le gratin mondain, les familles royales, chefs d'entreprise, artistes… L'adresse devient un passage obligé pour les visiteurs. Et à l'image du pape lyonnais de la cuisine, Paul Bocuse, qui assure que « La Mère Poulard, c'est la France », 600 clients viennent s'attabler ici chaque jour.

Le restaurant ouvert en 1888 est devenu une adresse incontournable pour les touristes qui visitent le mont Saint-Michel./LP/Guillaume Georges
Le restaurant ouvert en 1888 est devenu une adresse incontournable pour les touristes qui visitent le mont Saint-Michel./LP/Guillaume Georges  

En 132 ans de service, il en est donc passé du monde ! Les photos et dédicaces des personnalités sont encadrées sur les murs des trois étages du restaurant. La signature griffonnée de Trotsky avoisine le portrait d'un descendant des Romanov. Celle de la Reine Victoria fait face à Woody Allen. Jean-Pierre Papin, Georges Clémenceau, Eleanor Roosevelt, les Rockefeller, Claude Monet, Michèle Mercier ou encore Tony Parker et Eva Longoria sont aussi passés chez La Mère Poulard. Plus récemment, Laurent Voulzy et Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires, ont signé le livre d'or. « Parfois, des célébrités moins connues, voire méconnues, nous demandent de laisser une dédicace, s'amuse Eric Bellon. Certains m'ont même envoyé leur photo pour être accroché en bonne place dans l'escalier ! »

L'omelette très politique de Thatcher et Mitterrand

Ici, à la meilleure table du rez-de-chaussée, devant l'une des rosaces de l'abbaye récupérée pendant les travaux, Margaret Thatcher et François Mitterrand ont scellé, le 30 novembre 1988, leur entente cordiale autour d'une omelette. Le Premier ministre anglais et le président français célébraient les cent ans de La Mère Poulard. Mais le déjeuner, éminemment stratégique, fut aussi et surtout l'occasion de discuter des relations avec l'URSS, du désarmement nucléaire et des droits de l'Homme… Le souvenir de cette rencontre au sommet trône en bonne place parmi toutes les photos qui s'étalent sur les murs de la salle de restaurant.

C’est devant une omelette de La Mère Poulard que François Mitterrand et Margaret Thatcher ont signé leur entente cordiale en 1988./LP/Guillaume Georges
C’est devant une omelette de La Mère Poulard que François Mitterrand et Margaret Thatcher ont signé leur entente cordiale en 1988./LP/Guillaume Georges  

D'autres viennent avaler une omelette pour provoquer la chance… lors du scrutin présidentiel. « Il se dit que si l'on vient au mont Saint-Michel sans manger à La Mère Poulard, cela porte malheur aux élections, glisse Eric Bellon. Depuis qu'Edouard Balladur est venu en 1995 mais qu'il a préféré déjeuner à Saint-Malo, tous les candidats qui visite l'abbaye s'arrêtent chez nous. » A l'image de Nicolas Sarkozy ou François Hollande, suspendus dans l'escalier. Emmanuel Macron ne fait - pour l'instant - pas partie de la collection de VIP de La Mère Poulard. Seule sa femme, Brigitte, est venue discrètement, en mars 2018, suivre « une leçon de battage d'omelette ». Si la visite n'était pas officielle, une photo a tout de même été accrochée dans la grande salle du restaurant.

La recette : l’omelette
Le secret de cette omelette : des œufs battus pendant… près d’une heure. LP/Guillaume Georges

Promis, juré, il n’y a pas de potion magique pour concocter une omelette de La Mère Poulard. Uniquement la force du poignet. « Et le strict respect d’un ensemble de savoir-faire réalisé depuis 1888 », prévient Eric Bellon, le directeur général du groupe. La recette : des œufs, battus dans des culs-de-poule en cuivre - fabriqués à Villedieu-les-Poêles, à une cinquantaine de kilomètres - pendant… « près d’une heure » ! On obtient alors une émulsion quasi crémeuse qu’il faut laisser reposer une petite heure et battre de nouveau trois minutes avant la cuisson. Là, tout se joue devant la cheminée où Annette Poulard cuisait ses omelettes. Dans une poêle en fonte, l’omelettier jette du beurre salé d’Isigny puis laisse cuire environ cinq minutes avant de glisser l’omelette, en portefeuille, dans une grande assiette.




July 26, 2020 at 02:28PM
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